Intervention de Laurent Thoviste sur le rapport de la chambre régionale des comptes.
Conseil métropolitain du 24 septembre 2021
Intervention de Laurent Thoviste
sur le rapport de la chambre régionale des comptes.
C’est le second rapport de la chambre régionale des comptes en quelques mois puisque nous avions examiné en novembre dernier un rapport portant sur la période 2014-2018. Celui-ci porte également sur les exercices 2014 et suivants. Il s’attache plus particulièrement cette fois aux questions de fonctionnement avec notamment notre politique des ressources humaines, notre politique de subventions, la situation financière ainsi que deux politiques, celle des déchets et celle de l’aménagement. Ces rapports sont des temps démocratiques importants car ils apportent un regard extérieur et des moyens d’investigation et de contrôle dont nous ne disposons pas. Ils doivent être pour notre groupe un moment de débat et de réflexion sur le sens de notre action.
Le rapport fait tout d’abord le constat d’une métropole peu intégrée et que le fait métropolitain peine à s’imposer. Il fait notamment référence au fait que nous n’ayons pas encore adopté les statuts de notre EPCI. Si ce n’est pas une obligation formelle la chambre souligne que « les statuts sont l’un des documents de référence d’un EPCI, pour ses membres, ses partenaires et ses habitants. Ils affirment son ambition par la description détaillée de son champ d’intervention, de ses modalités d’action et de son fonctionnement interne. L’adoption ‘de statut serait un élément important de l’affirmation du fait métropolitain pour Grenoble-Alpes-Métropole. ». Cette difficulté à faire métropole n’est pas anodine. En témoigne le fait que nous n’ayons toujours pas non plus de pacte de gouvernance. Elle est source de tension en ce qu’elle ne clarifie pas suffisamment la relation métropole commune. Ce chantier nous paraît désormais urgent et nous demandons à ce qu’il soit entrepris rapidement.
La politique RH constitue le gros point noir de ce rapport. Elle était déjà pointée dans le précédent rapport examiné en novembre 2020. On y retrouve les mêmes critiques. Notre service RH n’était ni dimensionné, ni préparé pour le passage en métropole. Il a dû faire face en urgence et sans outil de pilotage à la montée en charge de nos politiques. Ceci a occasionné un certain nombre de recrutements. Mais cela n’explique pas la hausse vertigineuse de nos effectifs. En effet la chambre note que « 60 % de la hausse de la masse salariale brute est le fait des agents transférés. Par complément, 40 % de la hausse de la masse salariale est le fait d’agents recrutés hors transfert. Cet effet « structuration », qui devait durer deux ans 41, s’est prolongé sur l’ensemble de la période sous contrôle ; les recrutements hors transferts sont nombreux. Dans le même temps, les effectifs des communes membres n’ont pas diminué et la masse salariale des communes a même connu une hausse supérieure à 8 % durant la période 42. La métropolisation, loin de générer des économies d’échelle importantes en matière de ressources humaines, a plutôt engendré des charges de personnel supplémentaires, ce qui est contraire à l’objectif poursuivi par le renforcement de l’intercommunalité et les possibilités de mutualisation quelle doit favoriser. » Ces recrutements se sont faits par un recours massif aux contractuels avec dans de nombreux cas un non-respect des durées de contrat. Surtout ceci a eu un cout important : de 4,7 M€ en 2014, il s’élève à plus de 8,8 M€ en 2019 et représente 17 % des charges totales de personnel du budget principal. La chambre note que « Une grande partie de la hausse des charges de gestion est toutefois due à l’augmentation des charges à caractère général et des charges de personnel : + 33 M€, soit + 46 %, ce qui est considérable. Les niveaux atteints et la dilution dans de nombreux postes montrent une maîtrise insuffisante des charges de fonctionnement courant en début de période, comme en matière de ressources humaines, où la dérive est manifeste ».
Cette situation, si la chambre reconnaît une stabilisation en fin de période, nous inquiète. Elle rejoint les perspectives, relativement pessimistes que nous avons vu dans le cadre du travail sur la prospective financière car notre métropole perd petit à petit ses marges de manœuvre. Elle appelle des décisions courageuses en matière de temps de travail puisque nous allons devoir délibérer prochainement. Ceci doit se faire en lien avec la refonte de notre rifseep rendue obligatoire par le fait que nous allons devoir mettre en place le complément indemnitaire annuel (CIA). Ceci doit se faire dans le respect de nos agents mais aussi eu égard aux missions de service public que nous rendons. Nous devons mettre en place une gestion des ressources humaines moderne et attractive.
Concernant les subventions, si les procédures sont respectées, il apparaît que l’évaluation de leur impact est insuffisante. Ceci doit être un chantier de notre mandat, tant du point de vue financier que pour la lisibilité de l’action de la métropole. Il en va de même pour la commande publique. La chambre note ainsi que « L’organisation ainsi déployée souffre de lacunes importantes telles que l’absence de méthode de détermination des besoins 53 et de computation des seuils au niveau de l’entité, alors même qu’elles conditionnent la légalité des procédures de passation, en termes de type de procédure. » Elle note une grande disparité de contenu et de qualité des dossiers contrôlés avec un comble pour votre majorité qui ne cesse de vanter ses préoccupations écologiques : la faible intégration du développement durable. Nous nous en souviendrons au moment du vœu qui nous est proposé en fin de conseil. Il est toujours plus facile de faire des grandes déclarations que de les mettre sérieusement en œuvre.
En matière de situation financière, si la chambre note une CAF et un autofinancement corrects, elle pointe que « la prise en charge des compétences nouvelles est progressive, alors que les CLETC ont organisé et réglé financièrement ce transfert, dès 2016, sur la base des dépenses payées auparavant par ses communes membres : dès lors, la Métropole bénéficie du transfert de produits des communes (cf. baisse du reversement de l’attribution de compensation), sans nécessairement engager pleinement les politiques liées ». Ceci n’est probablement pas sans conséquence sur la dégradation des voiries communales que vous avez vous même constaté. Ceci appelle un effort correctif important. Or nous sommes toujours, un an et demi après la mise en place de notre conseil dans l’attente des enveloppes disponibles. Nous avons noté monsieur le président votre souhait de voir les sommes affectées à l’entretien de nos infrastructures augmentées. Mais nous sommes toujours dans l’attente des arbitrages et nous manquons de lisibilité. Nos habitants, eux, s’impatientent. Par ailleurs si notre capacité de désendettement reste correcte, la chambre nous incite à la prudence alors que d’importants investissements doivent être programmés (dont le nouveau siège). Et encore ne prend-elle pas en compte les besoins du SMMAG dont l’audit qui a été présenté aux administrateurs fait apparaître à minima un doublement de notre contribution dans les 10 prochaines années.
La chambre demande également à notre métropole, en ce qui concerne la politique déchet, de « prendre les dispositions à même d’assurer un niveau de fonctionnement du budget annexe à la hauteur de l’ambition des politiques menées, sans subventions d’équilibre, et notamment à valoriser au niveau adapté l’ensemble des prestations de collecte. » Ceci augure de mauvaise surprises dans ce domaine d’autant que la chambre souligne que « la prospective est basée sur « des hypothèses très optimistes : niveau des recettes liées à la vente de vide de four élevé, maintien d’une dynamique des bases qui fait évoluer favorablement le rendement de TEOM, maintien de TEOM alors qu’un projet de TEOMi est en cours, sans réel chiffrage de son coût de mise en place, hausse très contenue des charges (avec notamment des charges de personnel quasi stables). La prospective retient également (et surtout) des hypothèses de recours à l’emprunt basé sur un investissement pour l’UIVE à 180 M€, quand le projet UIVE a été déclaré sans suite en 2019 pour un montant bien supérieur, à 215 M€. » La chambre note sur ce projet « la faible information financière de l’assemblée délibérante, mais également des EPCI membres du groupement de commande. L’estimation du coût, fondamentale pour la bonne information des élus et des usagers, a fait l’objet de variations non négligeables pour les deux projets. Elles sont ainsi, au lancement des marché en 2018, de 138 M€ puis 142 M€ pour l’UIVE, et de 22 M€ puis 30 M€ pour le centre de tri » ». Ces variations non anecdotiques ont fait l’objet d’une seule information de l’exécutif en juin 201910? Le conseil métropolitain n’a pour sa part pas été tenu informé.» Une nouvelle fois, car souvenez-vous c’était déjà le cas dans le précédent rapport sur le projet de siège métropolitain. Il y a de toute évidence un souci sur la conduite de nos gros projets.
En lisant votre réaction à ce rapport dans les médias M.le président, j’ai pensé à cette émission « cauchemar en cuisine » ou le chef Philippe Etchebest vient en aide aux restaurateurs en difficultés. Bien souvent ils sont dans le déni des problèmes et il suffit de leur ouvrir les yeux sur leur situation objective pour que celle-ci s’améliore. Nous aimerions M. le président être le Philippe Etchebest de votre majorité. Des décisions importantes sont devant nous : pacte de gouvernance, pacte financier. Selon les décisions que vous prendrez elles permettront à la métropole d’être un véritable outil de coopération au service des habitants. Ou de rester un club renfermé que d’aucun appelle un arc humaniste mais que nous qualifions de majorité rétrécie. Si vous voulez éviter « cauchemar à la Metro » vous avez les ingrédients en main