Intervention de Laurent Thoviste sur l’encadrement des loyers sur la métropole grenobloise
Conseil métropolitain du 30 septembre 2022
Texte intégral de l’intervention de Laurent Thoviste sur l’encadrement des loyers sur la métropole grenobloise
Le dispositif d’encadrement des loyers fixé par la loi ELAN a pour objectif de limiter les hausses de loyer dans les zones tendues afin d’éviter des loyers en décalage important par rapport au niveau médian. C’est un objectif que nous partageons évidemment à partir du moment où il s’appuie sur une situation objective qui le justifie et où les effets collatéraux ont bien été pris en compte.
Est-ce le cas pour notre agglomération Grenobloise ?
A notre sens la réponse est non.
Le baromètre LPI se loger paru en août 2022 fait état d’un prix au m² pour les appartements inférieur à la plupart des métropoles. Seuls Brest, Rouen et Nancy ont un prix inférieur. Pour prendre quelques exemples ce prix est ainsi de 2912 euros à Grenoble contre plus de 4000 euros à Nantes et Rennes. Ce même baromètre déclarait en 2019 « Grenoble compte en réalité parmi les grandes villes de France où les prix immobiliers sont les plus abordables ».
Dans un article paru dans l’étudiant que certains d’entre vous ont retweeté Antoine un étudiant déclarait « j’ai pu trouver un logement pas trop loin, en trois jours seulement, pour 20 m² et moins de 400 euros par mois. « J’ai eu beaucoup de chance, mais ce n’est pas le cas de tout le monde », nuance-t-il, soulignant tout de même que les loyers « restent relativement raisonnables : on peut généralement avoir un studio pour environ 450 euros ». En termes de zone tendue on fait mieux. Quant au découpage sur les quartiers sélectionnés il se base sur les IRIS avec des situations parfois étonnantes. Nous avons ainsi appris par exemple que nous avions des quartiers « huppés » à Fontaine ce qu’aucune analyse des besoins sociaux n’avait jusque-là fait apparaître. Un résultat curieux en tout cas pour qui connaît la ville réputée pour ses loyers bas.
Cette nouvelle délibération tombe également au plus mal. Le chantier de la rénovation énergétique avec l’interdiction de louer les logements en étiquette F et G met de nombreux propriétaire en état de devoir faire des travaux de rénovation énergétique. Pour ceux qui ont les moyens pas de problème mais notre agglomération compte également de nombreux propriétaires modestes pour qui le niveau de loyer peut être un élément important au moment du choix. Certains biens ne risquent-ils pas de sortir du marché locatif (qui subit déjà la concurrence d’Airbnb notamment) à un moment où le ZAN et le PPRI font que nous allons surtout avoir besoin de reconstruire la ville sur la ville et que nous allons devoir le faire avec et non contre les propriétaires.
Au final cette délibération nous paraît avant tout plus politique que pragmatique.
En difficulté souvent sur l’essentiel, votre majorité se raccroche souvent à quelques délibérations plus symboliques qu’efficaces. Car dans les faits l’encadrement des loyers, là où il a été appliqué, a eu un effet limité. Ainsi à Paris, en deux ans et demi, seulement dix bailleurs parisiens se sont vus infliger une amende pour avoir loué au-dessus du plafond des loyers alors que 47% des annonces ne respectent pas les seuils en vigueur.
A Lyon, neuf mois après l’entrée en vigueur (novembre 2021), aucune condamnation n’avait encore eu lieu. Des dépassements sont pourtant constatés comme à Villeurbanne où les services de la ville ont fait le tour des agences immobilières et des petites annonces publiées sur Internet, et se sont rendus compte que beaucoup de ces annonces ne respectaient pas le cadre légal.
Comment la métropole envisage-t-elle de contrôler les abus ? Faudra-t-il pour cela créer un service dédié ou réaffecter du personnel sur cette mission ?
Plutôt que de mettre en place des usines à gaz pour des résultats aléatoires nous préfèrerions que la métropole mette toute son énergie et ses moyens pour aider les propriétaires à rénover leurs bien et les communes à construire du logement de qualité. Car comme le disait l’économiste suédois Assar Lindbeck qui n’était pourtant pas un ultra libéral « « le contrôle des loyers est le moyen le plus efficace de détruire une ville, avec le bombardement ».