Intervention de Joëlle Hours sur le soutien à la monnaie locale Le Cairn
Conseil métropolitain du 17 décembre 2021
Intervention de Joëlle Hours sur le soutien à la monnaie locale Le Cairn
C’est la 5ème année que nous avons une délibération concernant une subvention à l’association CAIRN.
En 5 ans ce sera près de 280 000€ d’argent public versé pour une monnaie qui ne remplit aucun des 5 objectifs sensés justifier son existence. Rassurez-vous, je ne reviendrai pas sur les 5 arguments que j’ai exposés l’an dernier visant à démontrer l’urgence d’arrêter de subventionner une monnaie locale qui apporte de mauvaises réponses à de bonnes questions.
Par contre, c’est sur le fonctionnement même de l’association CAIRN que j’aimerais attirer votre attention.
La convention que vous nous demandez d’entériner aujourd’hui précise en son article 7 que « l’association s’engage à fournir à la Métropole, avant le terme de la convention, un bilan d’activité, qualitatif et quantitatif, de la mise en œuvre des actions réalisées. ». De plus en son article 9, elle précise que « La conclusion éventuelle d’une nouvelle convention est subordonnée au contrôle de l’article 6 et à la réalisation de l’évaluation prévue à l’article 7 de la convention. ».
Or, nous n’avons pas ces documents, mais seulement une fiche d’instruction très synthétique et bien insuffisante pour comprendre la situation réelle dans laquelle se trouve le Cairn afin de voter de manière éclairée.
Heureusement nous avons pu trouver par nous-même des informations sur le site du Cairn dont le PV de leur AG de septembre qui a réuni en tout et pour tout 10 personnes… ainsi que le rapport moral et financier de l’association.
Et là il saute aux yeux que la situation est bien plus alarmante que celle décrite dans la délibération et la fiche d’instruction.
Depuis 5 ans, la subvention de la métropole est stable à 35 000€, elle augmente même cette année, mais tous les autres indicateurs sont en chute libre :
- les adhérents particuliers à jour de leurs cotisations ont chuté de 907 en 2019 à 376 au 31 août 2021 soit – 60%
- les adhérents pros à jour de leurs cotisations de 191 à 95 au 31 août, soit -87%
- le montant des adhésions encaissées de 16783 à 7418€, soit -126%
- les cairns en circulation de 110 000 à 75 100€, soit -47%
Les groupes locaux qui composent le Cairn font tous le même constat : les bénevoles ne parviennent pas à faire adhérer particuliers et pros au Cairn. Ils ne trouvent plus la motivation pour continuer et quittent massivement l’association. En témoigne la faible participation à l’assemblée générale de septembre, 10 adhérents particuliers et 2 adhérents pro, et l’impossibilité d’élire un comité de pilotage, seule une personne était candidate…
Les bilans des groupes locaux sont éloquents :
- Le groupe de Grenoble par exemple indique que le départ des bénévoles a mis « un coup d’arrêt à la dynamique sur Grenoble en 2021 » et précise également « « On peut noter un intérêt moindre des médias pour le projet avec simplement une intervention à radio Grésivaudan. Nous n’avons pas non plus fait d’effort autre qu’une présence sur nos réseaux sociaux. » !
- Pour le groupe du Vercors, le bilan en 2020 est, je cite « la dynamique n’est plus au RDV ». Ils ont fait beaucoup de démarchages de professionnels avec très peu de résultats positifs et ceux qui ont adhéré une fois ne réadhèrent pas.
Leur constat est sans appel : il y peu d’engouement sur ce projet sur le plateau du Vercors, les actions à mener pour développer le réseau sont très chronophages au regard des résultats. En conséquence le groupe ne souhaite plus mener d’actions et s’est arrêté…
- A Voiron, l’équipe indique être démotivée compte tenu des problèmes de gouvernance, du départ des 2 salariés et ils n’ont entrepris aucune démarche pour animer le réseau et démarcher les professionnels. Seule une personne souhaite continuer…
Je m’arrête là car je pense que vous avez compris.
La dynamique n’est plus là et comme chacun le sait une association sans une équipe de bénévoles motivés ne peut fonctionner et quand en plus l’objet même de l’association n’est pas mobilisateur, comment imaginer que la situation soit différente dans un an !
Vous nous demandez de valider le versement d’une subvention de 40 000 € alors même que nous ne savons pas si les projets mentionnés dans la convention de l’an dernier ont été menés à bien.
L’article 9 de la convention conditionne pourtant le renouvellement de la convention à la réalisation de l’évaluation prévue à l’article 7 qui ne nous a pas été communiquée…
Nous ne savons pas si les projets ont été réalisés car aucun véritable bilan n’a été présenté en commission ni transmis aux élus. En 4 ans, GAM a déjà versé près de 240K€, 240 000 euros d’argent public et vous voulez aujourd’hui que GAM donne encore près de 40 000 euros. Ce n’est pas raisonnable.
Je souhaite enfin exprimer ma consternation face au contenu de la délibération. Vous posez 3 conditions à l’association pour pouvoir prétendre à une subvention l’année prochaine qui sont si minimalistes qu’elles n’en sont pas :
- Présenter aux élus l’avancée de son plan de relance: ne pensez-vous pas que le minimum aurait consisté à nous le présenter dans le dossier de demande de subventions ?
- Augmenter significativement le nombre d’adhérents: A combien estimez-vous cette hausse significative ?
- Trouver avant octobre 2022 d’autres sources de financement: je rappelle que le développement de partenariats avec d’autres collectivités figurait déjà dans la convention de l’an dernier… Quelles sont les démarches qui ont déjà été engagées ? Sachant que nous finançons 61% de leur budget, s’ils ont une autre subvention de 1000€ on continuera à subventionner ?
Franchement, tout ceci n’est pas sérieux.
Je terminerai par quelques mots sur le fonds car si cela ne fonctionne pas ce n’est pas à cause du travail effectué par les bénévoles, mais bel et bien car les adhérents particuliers sont essentiellement des militants et que la plupart des professionnels n’en voient pas l’utilité. En voulant contacter au hasard l’un d’entre eux, à Grenoble, aux halles Sainte claire, en réalité changement de propriétaire, le nouveau propriétaire m’a avoué qu’il n’adhérerait pas car il n’avait pas compris l’utilité… Et qu’il ne connaissait pas de commerçants hall sainte claire qui en utilisaient.
En ce qui me concerne, je suis convaincue de l’intérêt d’un mode de consommation plus responsable mais utiliser des cairns ne changerait rien ma consommation…
Je le dis clairement : Le cairn est une fausse bonne idée !
Des subventions pour développer une économie plus sociale, plus solidaire et plus soucieuse de l’environnement : OUI.
Mais 280 000 € de cumul de subventions en 5 ans pour mettre sous oxygène un Cairn comme outil de l’ESS : NON
Force est de constater que le cairn n’est pas à la hauteur des enjeux qu’il affiche. Si les ménages, les commerçants, les entreprises y avaient un intérêt évident, le CAIRN ne végéterait pas.
On ne peut pas subventionner ad vitam aeternam un projet qui ne répond pas à ses objectifs !